L’équipe de restauration : préserver les collections du Musée
Rencontrez les membres de l’équipe de restauration du Musée, qui relèvent chaque jour des défis aussi uniques que les objets qu’ils côtoient.
2 avril 2021
Une étrange métamorphose se produit lorsqu’un objet entre au Musée. Au-delà du processus mis en œuvre pour l’intégrer à sa collection, il y a une transformation remarquable. Soudain, ce que l’on regarde dans l’objet, ce n’est plus simplement sa fonction, mais à travers sa forme et son usure, l’empreinte des gens qui l’ont utilisé ou fabriqué. C’est le témoignage involontaire d’un autre monde.
Ainsi le travail de l’équipe de restauration du Musée McCord, c’est d’analyser les traces de ce témoignage et de le préserver le plus fidèlement possible.
On pense souvent à tort que le travail d’un restaurateur, c’est de restaurer un objet pour lui redonner sa forme originale. Mais nos interventions doivent être les plus minimales possible et c’est souvent simplement préventif, explique Sonia Kata, restauratrice spécialisée en textile.
Nous sommes installés dans un des laboratoires du Musée. Sur une grande table reposent un sac en tissu et une ceinture, qu’elle prépare en vue de l’exposition Parachute. Il y a aussi des béchers et des bobines de fil, des gants en nitrile et du ruban. L’endroit est un mélange fascinant d’atelier d’artisanat et de laboratoire scientifique.
Sonia s’est toujours intéressée à l’histoire de l’art, au textile et à la science. La restauration représente l’assemblage par excellence de ses passions. J’aime beaucoup l’aspect résolution de problème de mon travail. Chaque pièce est différente et je dois trouver des solutions uniques à des enjeux tout aussi uniques. Il y a beaucoup d’exploration et j’aime beaucoup ça, me dit-elle, alors que je devine un sourire derrière son masque.
Alors que Sonia traite les textiles, Caroline Bourgeois, adjointe à la restauration et spécialiste en montage de costume, a pour responsabilité de leur redonner leur silhouette d’origine en fabriquant des supports sur mesure. Non seulement pour le plaisir des yeux, mais surtout pour bien supporter les vêtements pendant les mois d’exposition.
Après avoir étudié l’art vestimentaire au niveau collégial puis la scénographie à l’École nationale de théâtre du Canada, Caroline Bourgeois a travaillé pendant plusieurs années comme costumière dans les domaines du cirque, de la danse et du théâtre, et dans la fabrication de marionnettes en tant que spécialiste textile. Cela fait maintenant 20 ans qu’elle travaille au Musée où elle fabrique des supports sur mesure pour les vêtements de la collection.
Ce n’est pas aussi simple que de mettre un vêtement sur un mannequin. D’une époque à l’autre et d’un style à l’autre, le support, qui doit être le plus discret possible, devra avoir une forme différente. Et puis, lorsqu’on travaille avec un vêtement d’époque ou fragile, il faut comprendre sa structure pour parvenir à le soutenir et à éliminer les points de tension. Au fil des ans, Caroline a su développer une expertise particulière dans la conception de supports invisibles.
C’est ensuite au tour de Sara Serban de m’emmener au laboratoire où elle travaille : une grande pièce baignée de la lumière du jour avec vue sur le centre-ville. Sur une longue table, couché sur un grand papier de soie blanc, un imperméable centenaire fait d’intestins de mammifère marin nous attend.
Être restaurateur, c’est aussi cumuler toutes sortes de tâches et de responsabilités connexes aux interventions de conservation en tant que telles. Nous collaborons par exemple au processus d’évaluation des objets proposés pour acquisition, aidons au montage des expositions, participons à des conférences et rédigeons des articles sur des enjeux de restauration particuliers.
Un des articles qu’elle a d’ailleurs signés explique comment elle est parvenue à combler un manque dans un vêtement de fourrure grâce à du papier japonais.
J’ai été violoniste professionnelle pendant environ 15 ans, avant de retourner aux études pour étudier l’histoire de l’art et la restauration. Puis elle m’avoue, en riant : Quand je suis arrivée à l’université, je voulais d’abord étudier la médecine. Mais j’ai plutôt étudié le violon, car la musique était alors très importante dans ma vie. Quitter l’orchestre, c’était finalement donner suite à son intérêt pour le monde scientifique tout en respectant sa passion pour l’art.
Denis Plourde, comme Caroline, est adjoint à la restauration, mais a une spécialisation bien différente. J’étais d’abord technicien spécialisé en restauration sur papier, mais mes responsabilités au Musée se sont élargies au fil des ans.
En plus de faire certaines interventions sur papier, comme réparer la reliure des livres, nettoyer à sec et stabiliser les papiers abîmés, Denis fabrique des supports sur mesure pour les livres rares, conçoit des caisses spécialisées pour les objets muséaux et assure le contrôle des conditions ambiantes dans les réserves et les salles d’exposition du Musée.
Après avoir fait des études en art visuel à l’université, Denis a pratiqué le métier d’encadreur pendant quelques années pour ensuite travailler dans une entreprise spécialisée en transport d’œuvres d’art. Il étudiera plus tard la muséologie avant de rejoindre l’équipe du Musée en 1991 et complétera en 1995 une formation en informatique. Son expertise en informatique lui permet d’explorer de nouvelles techniques de documentation et de conservation.
Le monde de la restauration est en perpétuelle évolution et l’arrivée de nouvelles technologies comme la numérisation 3D promet de bouleverser ce champ.
La numérisation 3D permet de documenter plus fidèlement et plus rapidement les détails d’un objet et ça facilite, par exemple, la création de supports sur mesure pour le transport, l’entreposage et l’exposition, explique Denis.
Avec les avancées technologiques dans la science des matériaux et le domaine de la conservation, on doit s’attendre à ce que le travail de l’équipe de restauration évolue dans les années à venir. Mais ces changements se feront toujours autour d’une valeur centrale : le respect de l’objet et de l’histoire dont il est le témoin. Pour l’équipe de restauration, c’est donc la promesse de défis passionnants.