Souvenirs en vitrine
Le Musée perpétue la tradition des vitrines de Noël de La Maison Ogilvy, tout en y apportant sa touche personnelle.
7 décembre 2020
Je ne devais pas être très vieille la première fois que j’ai vu les vitrines de Noël de La Maison Ogilvy. À peine d’âge scolaire. Ma mère m’avait traînée jusqu’au centre-ville, avec mon frère. Je dis traînée parce que j’ai souvenir d’avoir traîné les pieds dans le métro, d’avoir trouvé le trajet interminable, d’avoir senti mon manteau de plus en plus lourd et mes grosses bottes de plus en plus grandes.
Cette journée-là, j’ai suivi ma mère dans sa tournée des magasins. Je ne me rappelle plus très bien où nous sommes allés. Mais je sais par contre que maman se cherchait un manteau d’hiver chez Ogilvy et que je suis restée assise pendant un long moment sur un pouf matelassé à attendre. Attendre et attendre.
Après ce pénible moment, nous sommes sortis du magasin par la rue Sainte-Catherine. C’est là que j’ai vu les vitrines Ogilvy pour la toute première fois. Je ne savais plus où poser mon regard tant il y avait à voir. J’ai aussi le souvenir d’un homme qui jouait de la cornemuse devant le magasin. C’était la première fois que j’en entendais. Et il porte une jupe! m’étais-je dit. Une trentaine d’années plus tard, j’ai appris qu’un des cornemuseurs qui jouait de son instrument religieusement chaque année devant les vitrines était Jeff McCarthy, le mari d’une collègue, Heather McNabb, responsable du Centre d’archives et de documentation du Musée.
C’est ainsi que chaque année, jusqu’à l’âge de 11 ans, j’ai fait le trajet en transport en commun avec ma mère depuis la Rive-Sud pour aller voir les vitrines, en terminant le périple chez Laura Secord pour un cornet de crème glacée à la framboise avec le petit chocolat sur le dessus! C’était un de nos petits rituels.
Presque 30 ans plus tard, en 2018, les vitrines Ogilvy seront léguées au Musée McCord Stewart, et en tant que chargée de projet, je serai responsable de la présentation de ces deux vitrines qui ont marqué mon enfance.
Il faut savoir qu’il existe deux vitrines mécaniques et qu’elles étaient présentées en alternance chez Ogilvy : Le moulin dans la forêt, que le Musée installe maintenant sur la rue Victoria et Le village enchanté, présentée à l’intérieur du Musée (sauf cette année en raison de la pandémie).
Le Musée a reçu les vitrines comme deux gros casse-têtes à assembler. Pièce par pièce, le technicien en chef John Gouws et son équipe, aidés par des employés d’Ogilvy, ont soigneusement assemblé les morceaux, dépoussiéré et fixé les peluches et méticuleusement nettoyé les mécanismes, dont certains ont même pu être remis en marche. Des retouches de peinture ont été faites au décor abîmé, des reproductions de la surface glacée ont remplacé les anciennes qui étaient défraîchies et la magie de la fausse neige a opéré.
Il fallait ensuite trouver une manière de présenter une des vitrines à l’extérieur du Musée dans le but de perpétuer la tradition des Montréalais. Nous avons envisagé toutes sortes de possibilités. C’est la solution du conteneur à marchandises qui l’a emporté.
Plusieurs contraintes et défis se sont présentés à nous en cours de route. Il fallait prévoir une ouverture assez grande sur un côté pour y faire entrer la vitrine, penser à une fenestration sur un minimum de deux côtés, intégrer un système de ventilation, de chauffage en hiver et d’air climatisé en été, assurer une étanchéité parfaite, installer un éclairage adéquat et prévoir une porte d’accès à l’arrière, nécessaire en cas de pépins ou de bris mécaniques. C’est par cette porte que les techniciens Olivier LeBlanc-Roy, Julie Laframboise, Alexandre Côté, Mélissa Jacques et Patrick Migneault entrent lorsqu’il leur faut apporter quelques ajustements, une tâche difficile et délicate effectuée en chaussettes, si nécessaire, pour ne pas abîmer les surfaces.
La forme du cadeau géant s’est imposée tout naturellement au conteneur : recouvert de bois peint en rouge, enjolivé de quelques ajouts graphiques et couronné d’un chou métallique, le ton à la fête était donné! C’est entourée de la forêt urbaine de la rue Victoria peuplée d’arbres métalliques illuminés que la vitrine Le moulin dans la forêt commençait sa seconde vie, dans une ambiance musicale unique.
Après le temps des fêtes, il sera déjà temps de faire venir la grue qui soulèvera de façon vertigineuse le gros cadeau dans les airs afin que nous puissions lui dire : à l’année prochaine!
J’aimerais bien revoir le joueur de cornemuse devant la vitrine. Il faudrait que j’en parle à Heather. En attendant, cette année, je pense bien qu’à mon tour je vais « traîner » ma mère au centre-ville pour venir la contempler. Qui sait? On finira peut-être chez Laura Secord. Une boule à la framboise svp. Et surtout, n’oubliez pas le chocolat sur le dessus!