La colorimétrie et la conservation préventive
Découvrez pourquoi le Musée procède à des analyses colorimétriques sur une vingtaine de tirages photographiques en exposition.
28 février 2023
Alexander Henderson (1831-1913) est considéré comme l’un des photographes de paysages les plus importants au Canada. L’exposition Alexander Henderson – Art et nature, à l’affiche au Musée jusqu’au 16 avril 2023, présente plusieurs tirages photographiques sur papier salé.
Un tirage sur papier salé consiste en une photographie positive créée à partir d’un négatif. Le support est une feuille de papier qui a été enduite de nitrate et de chlorure d’argent pour la rendre photosensible. Le négatif est ensuite mis directement en contact avec le papier et l’ensemble est exposé au soleil afin que l’image s’imprime par la simple action de la lumière. L’image commence alors à apparaître au bout d’un certain temps. Le tirage se caractérise par des tons chauds et un fini mat.
Les couleurs sont les actes et les souffrances de la lumière.
Traité des couleurs, Goethe
Les tirages sur papier salé sont toutefois susceptibles de se décolorer sous l’effet de la lumière. Lorsque celle-ci traverse des matières de différentes densités, elle peut se fragmenter ou se briser par réflexion. Les dommages causés par la lumière sont irréversibles et cumulatifs, et les photographies touchées ne retrouvent donc jamais leurs couleurs d’origine.
L’exposition à la lumière se calcule en nombre d’heures et de lux (intensité lumineuse). Dans le cas des tirages d’Alexander Henderson, comme l’exposition du Musée sera présentée en salle pendant 10 mois, cela équivaut à 2 440 heures d’exposition à la lumière avec une intensité de 50 lux. Il est donc important de consigner la durée cumulative d’exposition à la lumière visible et au rayonnement UV des tirages de Henderson.
Dans le but d’assurer une meilleure conservation lors de la présentation de ces œuvres, l’équipe de la restauration du Musée a décidé d’effectuer des analyses colorimétriques afin de mesurer tout changement de couleur possible sur une vingtaine de tirages photographiques. Ceux-ci ont été choisis en raison de leur rareté en plus d’offrir un échantillonnage représentatif de l’œuvre de Henderson.
LA COLORIMÉTRIE
La colorimétrie est une analyse scientifique qui relie les mesures physiques de la lumière à la perception des couleurs. La précision des appareils de colorimétrie nous permet d’évaluer s’il y a eu des changements entre deux lectures colorimétriques d’une œuvre. Ceux-ci pouvant être très subtils, notre œil n’est pas toujours en mesure de les percevoir ou d’en constater les écarts. Si on note des changements dans les données de lecture du colorimètre, cela nous indique que la lumière a modifié les valeurs colorimétriques de l’objet.
QUE PEUT-ON LIRE DANS LA COULEUR?
Le colorimètre utilise un code de couleur à l’intérieur d’un système de couleur, habituellement le CIELAB. Dans ce système, la couleur est lue en fonction de sa luminosité et de l’écart entre le vert et le rouge et aussi entre le jaune et le bleu. Il en existe d’autres, et au Musée, nous utilisons le système de Munsell qui code la couleur selon sa teinte, sa valeur (du noir au blanc) et sa saturation (pureté).
Les analyses de colorimétrie font partie de nos outils pour réduire les dommages causés par la lumière. Ainsi, nous avons mis en place un processus comprenant plusieurs phases, incluant des prises de mesures avant, pendant et après l’exposition des œuvres. L’interprétation et l’étude des informations recueillies sur les objets nous permettent de voir si des changements visibles se produisent, et si tel est le cas, nous pouvons les quantifier très précisément et il reste une trace codée de l’état initial de l’objet.
Chaque fois qu’une œuvre en papier, en tissu ou en tout autre matériau sensible est exposée, il y aura une détérioration : c’est inévitable! Mais grâce à la pratique de la conservation préventive, qui utilise des stratégies pour limiter les risques et les sources de dommage, le Musée est prêt à prendre une part du risque, mesuré bien sûr, afin de partager les collections avec le public.