Les objets en écorce de bouleau : un art qui a du mordant!
Découvrez comment l’écorce de bouleau est employée dans diverses formes d’art autochtones.
26 mai 2022
On reconnaît facilement le bouleau à papier à son écorce blanche qui se détache en lambeaux, semblable à du papier. L’écorce de bouleau, que l’on associe principalement à la fabrication de canots, est aussi employée pour créer d’autres objets et peut être enjolivée par des formes d’art autochtones comme le raclage et le mordillage.
Tout commence avec l’arbre lui-même, au nom scientifique de Betula papyrifera, qui pousse à peu près partout au Canada. Toutes les parties de l’arbre sont utilisées : le bois est transformé en outils et en meubles, la sève en sirop et l’écorce sert entre autres à fabriquer des récipients, des canots, des médicaments et du bois d’allumage.
L’écorce de bouleau
L’écorce du bouleau à papier est particulièrement blanche et se détache facilement du tronc en fines couches. À mesure que l’arbre grandit, les couches d’écorce du printemps et de l’été présentent de grandes cellules contenant de fortes concentrations d’un composé naturel appelé bétuline, une substance cristalline blanche qui offre une protection naturelle contre la moisissure, les champignons et les insectes, et qui donne à l’écorce sa couleur pâle.
Durant les autres saisons, les cellules de l’écorce sont plus petites et renferment de plus grandes concentrations de tanins et de composés phénoliques, donnant à l’écorce d’hiver une couleur rougeâtre plus sombre comparativement à l’écorce plus claire du printemps. Ainsi, l’écorce possède en alternance des couches claires et foncées qui se séparent facilement.
De plus, l’écorce de bouleau contient beaucoup de subérine, un autre composé naturel qui lui donne de la souplesse et la rend étanche. C’est ce qui rend l’écorce de bouleau utile pour la fabrication de récipients et, bien entendu, de canots. Bien confectionnés, les contenants en écorce de bouleau sont imperméables et peuvent servir d’ustensiles de cuisine. Comme la bétuline est un agent de conservation naturel, les récipients en écorce de bouleau peuvent être employés pour entreposer les aliments.
L’écorce de bouleau peut être récoltée tout au long de l’année sur des arbres vivants ou morts. Cependant, la saison idéale demeure le printemps lorsque la sève coule et que l’écorce est flexible. Les arbres plus jeunes produisent aussi une écorce plus mince et donc plus facile à travailler lorsqu’on utilise certaines techniques comme le mordillage.
La surface extérieure blanche de l’écorce est appelée côté « papier » et la surface interne d’un rouge orangé est le côté cambium. Une fois découpée et retirée de l’arbre, l’écorce s’enroule naturellement avec le côté papier tourné vers l’intérieur. C’est pourquoi les objets en écorce, comme les récipients, sont fabriqués en suivant l’enroulement naturel, c’est-à-dire avec le côté cambium à l’extérieur.
Le raclage de l’écorce
Le côté cambium de l’écorce récoltée en automne ou en hiver est d’un rouge orangé foncé. Avec la technique du raclage, aussi appelée sgraffito, la couche extérieure sombre de l’écorce est grattée à l’aide d’un outil afin de révéler les couches sous-jacentes plus claires et de créer des motifs. On peut également faire l’inverse et gratter l’écorce printanière plus pâle afin d’exposer les couches plus foncées en dessous.
Dans les deux cas, il en résulte des dessins géométriques clairs et foncés contrastants, auxquels on ajoute souvent des motifs floraux ou animaliers. Cette technique peut être employée pour embellir toutes sortes d’objets en écorce de bouleau. Les bols et les récipients sont souvent fabriqués dans un seul morceau d’écorce, dont les éléments sont découpés et cousus avec de la racine d’épinette, puis décorés sur la surface extérieure.
Le mordillage de l’écorce
Appelé mazinibaganjigan en langue ojibwée, le mordillage consiste à créer des motifs sur de minces feuilles d’écorce de bouleau avec les dents. Il s’agit d’un art autochtone qui remonte à l’époque préeuropéenne, pratiqué par de nombreux peuples anishinaabe, incluant les nations ojibwée, potawatomi, odawa, crie et algonquienne.
Des morceaux d’écorce de bouleau sont épluchés de façon à obtenir de très minces couches individuelles. L’écorce est pliée en deux plusieurs fois puis mordillée : les incisives ou les canines créent des lignes nettes, tandis que les molaires sont utilisées pour obtenir des impressions floues et des effets de dégradé.
Le mordillage crée des marques et amincit l’écorce de telle sorte que la lumière peut passer au travers. Une fois dépliée, l’écorce révèle un motif symétrique. Les artisanes travaillent spontanément, sans plan ni dessin préparatoire. Le mordillage était souvent pratiqué par les femmes comme passe-temps ou divertissement, surtout lors de rassemblements sociaux où elles se livraient une compétition amicale pour réaliser les plus beaux motifs ou créer un canevas pour des histoires.
Autres utilisations
L’écorce de bouleau est aussi utilisée comme support dans d’autres formes d’art, comme la décoration en piquants de porc-épic et la broderie en poil d’orignal.
BIBLIOGRAPHIE
Croft, Shannon et Rolf W. Mathewes, « Barking up the Right Tree: Understanding Birch Bark Artifacts from the Canadian Plateau, British Columbia », BC Studies, no 180, hiver 2013-2014, p. 83-122.
Gilberg, Mark R., « Plasticization and Forming of Misshapen Birch-Bark Artifacts Using Solvent Vapours », Studies in Conservation 31, no 4, 1986, p. 177–184.
Lebrecht, Sue, « Angelique Merasty: Birch Bark Artist », Canadian Woman Studies, vol. 10, nos 2-3, 1989, p. 65-68.
McLuhan, Elizabeth, « Motifs mordillés sur écorce de bouleau », L’Encyclopédie canadienne, Historica Canada. Article publié le 2 octobre 2007; dernière modification 26 juin 2017.
Oberholtzer, Cath et Nicholas S. Smith, « I’m the Last One Who Does Do It: Birch Biting, an Almost Lost Art », Archives of the Papers of the 26th Algonquian Conference, vol. 26, 1995, p. 306-321.