La fascinante actualité de Parachute
Parachute : mode subversive des années 80 – une occasion pour le scénographe et le graphiste de l’exposition de (re)découvrir la marque.
18 novembre 2021
Nous retrouvons Zébulon Perron et Bryan-K. Lamonde dans le bâtiment industriel où ils travaillent tous les deux. Avec l’équipe du Musée, ils ont collaboré à la conception de l’exposition Parachute : mode subversive des années 80, Zébulon en tant que scénographe et Bryan en tant que designer graphique.
C’est bon, ça enregistre. Merci de donner de votre temps pour cette entrevue. Je pense qu’on peut commencer avec les présentations et vos réalisations.
Zébulon : Je suis le directeur créatif et fondateur de l’Atelier Zébulon Perron. On fait beaucoup de projets d’aménagement intérieur, principalement en hôtellerie, à Montréal et un peu à l’international. Généralement, on ne fait pas de projets chez des particuliers parce que notre intérêt a toujours été dans la sphère publique. Ce qui nous intéresse, c’est de concevoir des espaces qui vont pouvoir être utilisés par plein de gens.
Bryan : Je suis directeur de création et cofondateur de Principal. Nous sommes un studio de design stratégique. On fait essentiellement du design graphique, mais nous avons aussi un studio de développement Web. On fait aussi de la signalétique et du design d’expo, principalement le volet graphique.
On a travaillé sur beaucoup d’expositions au Québec comme au Canada. Le fait qu’on soit très connectés à la culture est, d’une certaine manière, ce qui fait la particularité du bureau. Nous avons déjà collaboré avec le Musée McCord et ça nous fait plaisir de revenir pour travailler sur l’exposition Parachute.
Comment avez-vous réagi lorsque vous avez été approchés par le Musée pour travailler sur l’exposition Parachute?
Zébulon : C’est la première fois qu’on travaille dans le muséal. Parachute, c’est une entreprise iconique de Montréal et nous avons été honorés lorsque le Musée nous a approchés parce que c’est une marque qu’on connaissait de notre jeunesse. Si Parachute a eu un tel rayonnement, c’est parce qu’elle venait des cultures underground et des clubs. Il y avait une force sous-jacente dans la proposition et en même temps un éthos global, les influences japonaises, l’androgynie, etc. On reconnaissait ça et on avait vraiment envie d’y travailler. Donc on a instantanément dit oui!
Quelle a été votre réaction quand vous avez découvert les archives de Parachute?
Bryan : Moi, je ne connaissais pas du tout Parachute, mais je me suis dit, en regardant les archives : il y a là quelque chose de vraiment intéressant et riche. C’est tout à fait dans le postmodernisme : la rupture, la réaction et quand il y a une réaction, il y a de l’énergie. Lorsque j’ai consulté les documents de communication graphique où l’identité visuelle est vraiment affirmée, tout de suite ça m’a allumé.
Zébulon : Pour commencer à entrer en profondeur dans le sujet, il a été utile pour nous de regarder les documents, les photos d’archives, y compris toutes les photos des boutiques. On s’est donc beaucoup inspirés de l’architecture intérieure. C’était un gros défi parce qu’il y a énormément à montrer, mais d’un autre côté c’était un projet qui se faisait un peu tout seul, car l’identité de la marque était déjà tellement claire.
Bryan : Le fait que Nicola, cofondatrice de la marque, était présente dans le projet, ça permettait aussi de valider certaines intuitions. On sentait vraiment le caractère de la marque à travers les préoccupations qu’elle avait.
Quels ont été les plus grands défis dans l’actualisation d’une vision aussi forte?
Zébulon : De notre côté, il fallait présenter les choses sans en mettre trop. Il nous a fallu trouver une stratégie pour aborder les différents thèmes, les contenir spatialement pour que ce soit assimilable, pas trop redondant et sans donner trop d’informations en même temps. On a donc choisi de créer des moments. La séquence de l’exposition est plus ou moins chronologique. Il y a une introduction, où on explique par exemple les origines du new wave. Une fois que tout ça est établi, on essaie de plonger les gens dans une atmosphère un peu Lime Light, discothèque iconique de Montréal à la fin des années 1970, début des années 1980.
Comment vous êtes-vous inspirés du style de la marque Parachute? Pouvez-vous donner un exemple?
Zébulon : D’un point de vue architectural, l’esthétique des boutiques Parachute était très do it yourself et nous avons récupéré la même approche. On a essayé de réutiliser des matériaux et des façons de faire iconiques et d’intégrer ça habilement dans l’expo. Il y avait un point d’orgue, par exemple avec les colonnes, qui étaient faites avec des Sonotubes, les tubes en carton servant à couler les fondations. Eh bien, nous en avons utilisé dans l’expo.
Bryan : De notre côté, nous avons choisi d’utiliser la police de caractères Arial, qui est boudée par tous les designers graphiques. Mais nous, ça nous plaisait de l’utiliser parce qu’elle a été dessinée dans les années 1980 comme une pâle copie de la police Helvetica. Ça cadrait avec le langage de l’époque et c’est dans la même lignée que Parachute, d’une certaine manière. C’est comme la version graphique du do it yourself.
Comment avez-vous choisi d’intégrer le multimédia dans l’exposition?
Zébulon : Nous utilisons des projections et des supports diaphanes pour plonger les gens dans l’ambiance. Ce sont des photos en séquence sur des supports, mais à échelle humaine.
Il y a aussi une section où on parle de l’influence de la culture populaire, mais à travers la chaîne de télé MTV. Je me rappelle de MTV quand j’étais ado, vraiment l’attitude et l’esthétique in your face, saturées. On a donc une installation avec des télés empilées, un peu à la Mad Max. Ça nous a permis de montrer un autre côté de l’influence de la marque qui avait été adoptée par de gros bands comme Duran Duran, le chanteur Peter Gabriel et la série télévisée Miami Vice. L’image making ça devient super important.
Avez-vous quelque chose à ajouter pour terminer?
Zébulon : C’est un privilège de pouvoir faire une lecture de cette époque-là. J’espère qu’on a réussi à transposer et à montrer un peu ce que c’était. Ce qui a beaucoup ressorti de cette expérience-ci, c’est à quel point c’est contemporain, à quel point c’est juste.
Bryan : La marque Parachute est comme un joyau déterré, mais qui n’a pas vieilli. Si on l’avait déterré il y a 10 ans, ça aurait été complètement différent, mais aujourd’hui c’est super pertinent.