Wm. Notman & Son, Mlle Finney, danseuse, Montréal (détail), 1922. II-251463, Musée McCord Stewart

L’histoire fascinante de Mlle Finney

Découvrez Mlle Finney, qui partage son amour de la danse dans une série de portraits pris à Montréal il y a un siècle.

Heather McNabb, Ph. D., archiviste de référence, Centre d’archives et de documentation, Musée McCord Stewart

24 avril 2023

Les vieilles photographies peuvent soulever des questions dont les réponses se trouvent parfois dans les journaux numérisés. Dans certains cas, les rebondissements dramatiques derrière leurs histoires sont dignes d’un film hollywoodien!

Des portraits réalisés il y a cent ans au studio William Notman & Son à Montréal montrent Mlle Finney en train de danser. Dans une série de 12 images, prises en avril ou mai 1923, Mlle Finney, qui n’a pas encore 16 ans, apparaît à l’aise et confiante dans les différentes poses qu’elle adopte, que ce soit en faisant des pointes en costume de ballet, habillée en crieur de journaux les deux mains dans les poches, ou encore à genoux, le corps arqué vers l’arrière, la tête au sol.

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Qui était-elle? Où se produisait-elle? Les réponses trouvées dans les journaux de l’époque dévoilent l’histoire fascinante d’une jeune femme qui a poursuivi une prolifique carrière de danseuse à Montréal et ailleurs.

SPECTACLES DE CABARET AU THÉÂTRE IMPÉRIAL

En mars 1923, peu de temps avant sa visite au studio photographique, Mlle Genevieve Finney était en vedette comme danseuse de ballet dans des spectacles de cabaret présentés les vendredis soirs au théâtre Impérial de la rue Bleury. À cette époque, l’Impérial annonçait « du vaudeville et des films », ce qui signifie que le public pouvait voir des numéros de vaudeville, importés ou locaux, en plus du film à l’affiche.

Le vendredi 16 mars, par exemple, The Gazette et La Patrie mentionnaient que Mlle Finney et son corps de ballet se produisaient dans les Bacchanales, et que de la musique de jazz et « autres attractions » étaient au programme en plus d’un long métrage muet1. Plus tôt durant cette même année, Mlle Finney avait travaillé régulièrement comme danseuse principale au théâtre Capitol, une grande salle de cinéma située rue Sainte-Catherine.

Cependant, lorsqu’elle a posé pour cette série de portraits, Mlle Finney entamait un nouveau chapitre de sa carrière en danse. Si elle se produisait toujours régulièrement à l’Impérial et à l’occasion au Capitol et dans d’autres salles, elle avait récemment ouvert son propre studio de danse, selon ce que rapportaient The Montreal Star et La Presse. Mlle Finney prévoyait enseigner la « danse de ballet russe » en plus de donner un cours sur « la pantomime, le maquillage de cinéma et le maintien »2. Elle promettait aux diplômées qu’elles pourraient s’inscrire pour travailler en cinéma à Hollywood, en Californie.

Mais Mlle Finney venait-elle réellement de Hollywood, comme le prétendaient ses publicités?

VÉRITÉ OU BATTAGE HOLLYWOODIEN?

Or, Mlle Finney avait bel et bien dansé à Hollywood!

Le Los Angeles Evening Express a publié un article sur Mlle Finney en janvier 1922. On y disait que Theodore Kosloff, un acteur, danseur célèbre et propriétaire de l’Imperial Russian Ballet Studio à Los Angeles fréquentait actuellement Thomas M. Finney, un « acteur britannique bien connu », qui avait emmené de Londres sa fille de 14 ans, Genevieve, pour parfaire sa formation en danse.

Toutefois, l’article comprenait quelques faussetés au sujet des antécédents de M. Finney. Il n’était pas acteur et il n’arrivait pas de Londres.

D’autres journaux américains ont relayé cette histoire de l’« acteur britannique » et de sa fille. Mais elle n’a pas été publiée dans l’Omaha Daily Bee ni dans aucun autre journal de cette localité du Nebraska, où vivaient la jeune Genevieve et ses parents, et où ils étaient des habitués des pages mondaines. Son nom et sa photographie y avaient figuré régulièrement à partir de 1918, alors qu’elle participait à des spectacles de danse pour enfants.

UNE FUITE SPECTACULAIRE

Le père de Genevieve, cependant, allait causer toute une commotion dans la presse d’Omaha quelques mois plus tard, en mai 1922. Thomas M. Finney, qui travaillait dans les finances3, a été formellement accusé par un grand jury fédéral. Lui et 24 autres personnes ont été déclarés coupables d’« avoir utilisé la poste de manière frauduleuse » pour faire la promotion d’une société de placement, d’une banque et d’une entreprise foncière et forestière qui avaient toutes fait faillite. Le lendemain matin suivant sa mise en accusation, trois garçons de la ville ont vu sa voiture renversée à un coin de rue de sa maison, des obligations d’une valeur de 25 000 $ traînant à côté. Les garçons ont remis les obligations à M. Finney, qui a quitté la ville peu de temps après. Un an plus tard, alors que le procès allait commencer, on n’avait toujours aucune nouvelle de lui.

SÉJOURS À WINNIPEG ET À MONTRÉAL

À la fin du mois d’août 1922, des articles de journaux publiés à Winnipeg, au Manitoba, parlaient de Mlle Finney comme d’une « fille de la ville ». Ressemblant physiquement à la vedette de cinéma Mae Murray, elle avait déjà servi de doublure pour celle-ci lors de l’importante scène de danse du film Fascination, produit par la Metro Pictures Corporation. Mlle Finney a exécuté la danse de la « fascination » du film pour les publics de Winnipeg durant la semaine où le film était à l’affiche dans un cinéma local. The Winnipeg Tribune la décrivait comme une « fille de Winnipeg » qui vivait en ville avec ses parents dans leur maison.

Peu de temps après, les Finney ont mis le cap vers l’est pour s’établir à Montréal. Genevieve Finney, maintenant annoncée comme la « délicate petite danseuse » de la Californie, a fait ses débuts comme « première danseuse » au théâtre Capitol de Montréal le 15 octobre 19224. En décembre, elle se rendait au studio Notman pour une première série de portraits en costumes de danse.

En 1924, un an après le procès hautement médiatisé, la poussière étant maintenant retombée, les Finney sont retournés vivre aux États-Unis. Laissant leur fils William poursuivre ses études en médecine à McGill, ils sont revenus à Los Angeles. Mlle Finney, qui avait eu 17 ans en août de cette année, a recommencé à danser dans des productions cinématographiques. Selon un article léger publié par l’Omaha Daily News en 1925, elle avait récemment tourné une scène de danse avec nul autre que Rudolph Valentino. La même année, elle ouvrait son propre studio de danse sur le terrain de la demeure de ses parents à Beverly Hills.

Bien que son séjour à Montréal fût relativement court, Genevieve Finney y a certainement laissé sa marque comme danseuse. Au fil des ans, elle a maintenu ses liens avec les Montréalais. En octobre 1936, The Gazette et The Montreal Star annonçaient que Genevieve Sally Finney « de Hollywood » serait en ville pour faire une courte visite à l’école de danse d’une de ses anciennes élèves.

NOTES

1. The Gazette, Montréal, 16 mars 1923, p. 13; La Patrie, Montréal, 16 mars 1923, p. 15.

2. The Montreal Star, 31 mars 1923, p. 6; La Presse, Montréal, 5 avril 1923, p. 18.

3. Selon le recensement fédéral américain de 1920, Thomas M. Finney exerçait la profession de « promoteur financier ».

4. « Burning Sands’ is Capitol Spectacle: New Dancer Appears », The Montreal Star, 16 octobre 1922, p. 6.

À propos de l'auteure

Heather McNabb, Ph. D., archiviste de référence, Centre d’archives et de documentation, Musée McCord Stewart

Heather McNabb, Ph. D., archiviste de référence, Centre d’archives et de documentation, Musée McCord Stewart

Mettre au jour les histoires que peuvent receler les photographies est une véritable passion pour Heather, qui trouve tout aussi inspirant d’aider les chercheurs au Centre d’archives et de documentation. Elle est fascinée par les découvertes au sujet des gens, des lieux et des événements du passé qu’amène la consultation des collections du Musée.
Mettre au jour les histoires que peuvent receler les photographies est une véritable passion pour Heather, qui trouve tout aussi inspirant d’aider les chercheurs au Centre d’archives et de documentation. Elle est fascinée par les découvertes au sujet des gens, des lieux et des événements du passé qu’amène la consultation des collections du Musée.