Histoires d’engagement : une bénévole et sa collection
Rencontrez Carole Lafleur, celle qui depuis plus de huit ans contribue dans l’ombre à la préservation de la collection éducative du Musée.
10 avril 2023
C’est par un matin de décembre que j’ai rendez-vous avec Carole au Musée McCord Stewart, dans la salle de l’Action éducative, citoyenne et culturelle. Je la retrouve un peu nerveuse, mais les yeux brillants, près de quelques-uns de ses objets préférés, disposés devant elle sur une longue table.
Un arc à tisser, un fer à friser, des poupées inuites, des photographies, une reproduction d’un wampum…
Cette femme énergique et passionnée entreprend alors de me raconter l’histoire de son implication au Musée, inextricablement liée à l’histoire de la collection éducative.
Je suis arrivée au Musée en 2006. Je cherchais une activité bénévole qui serait intéressante au niveau intellectuel. Alors j’ai commencé par faire des visites guidées et par animer des ateliers avec des groupes scolaires du primaire, principalement. Ce que je préférais, c’était la partie de la visite où l’on racontait des légendes aux enfants. J’adorais ça!
Après plus de dix ans à animer des ateliers et des visites au Musée, une occasion s’est présentée à elle. C’était un après-midi de mars, je discutais avec Laura Delfino alors responsable des programmes éducatifs. Elle était préoccupée par l’état et le désordre de la collection éducative. Il faut savoir que c’était une période de restructuration au Musée et que peu de temps pouvait y être alloué. J’ai donc saisi la balle au bond et je me suis proposée, avec une autre guide, Miriam Deniz, pour entreprendre de classer, dans un premier temps, tous les objets de la collection. Et c’est comme ça que l’aventure a commencé.
Avec passion, elle me parle de la collection éducative, de l’histoire de sa création, au milieu des années 1990, à aujourd’hui. Les objets de la collection éducative, distincte des collections historiques du Musée, sont utilisés lors des visites de groupes et sont notamment destinés à être manipulés par les membres du public. Cette collection est composée d’objets offerts au Musée, mais refusés à l’issue du processus d’acquisition pour les collections historiques, ainsi que d’articles donnés directement au service de l’Action éducative, citoyenne et culturelle.
Les objets sont utilisés de plusieurs manières. L’objet peut servir de prétexte à une discussion. Le manipuler permet aussi d’en découvrir d’autres aspects. Comment il est fait, par qui, pourquoi, quand et où il a été fabriqué. C’est comme un travail de journaliste : on questionne l’objet. C’est une rencontre qui permet de raconter l’histoire des personnes qui ont fabriqué et utilisé l’objet et de la culture qui l’a vu naître.
Par ailleurs, les objets de la collection éducative prennent de plus en plus d’importance grâce au plan stratégique du Musée et aux nouvelles orientations de l’action éducative.
On va partout avec les objets. Dans les écoles, les bibliothèques, différents lieux culturels. On va à la rencontre des gens et ça génère des discussions fantastiques. La collection éducative est devenue importante au fil du temps parce que le Musée offre de plus en plus d’activités hors les murs.
Lorsque je lui demande quel est son objet préféré dans la collection éducative, elle prend quelques secondes avant de répondre, mais je vois tout de suite que ce n’est pas un moment de réflexion, mais d’émotion.
Ben là, je vais devenir émotive, mais je ne veux pas!
Émue, elle se dirige vers la table, et soulève délicatement un objet de tissage perlé, qu’elle tient précieusement entre ses mains.
C’est la reproduction d’un wampum qui aurait 400 ans. Un wampum est un support matériel de la tradition orale, il est la mémoire symbolique d’une entente conclue dans le respect des traditions de chaque partie. Ces deux rangs symbolisent des embarcations, le canot autochtone et le navire européen, qui voguent ensemble sur la même rivière. Nous voyagerons côte à côte ensemble, mais chacun dans notre propre embarcation. Ni l’un ni l’autre n’essayera de conduire celle de l’autre.
Carole sait que ce n’est jamais qu’un simple objet. Même quand c’est une reproduction, elle en saisit toute l’importance. C’est ce qui la rend si parfaite pour ce rôle.
De passion, Carole n’en manque pas, surtout quand elle me montre les objets qu’elle a sortis pour l’entrevue. Avec l’aisance d’une femme qui a plus de dix ans d’expérience en tant que guide au Musée, elle me fait découvrir la touchante histoire de chaque objet.
Moi, je suis aux oiseaux d’être ici! On m’a laissé tellement de latitude, on m’a fait tellement confiance. J’ai une grande liberté d’action qui fait que c’est un travail vraiment sur mesure. Et que dire de toutes ces rencontres avec des gens passionnés et généreux de leur temps et de leur expertise.
Les mains serrées contre elle, Carole ajoute :
Je n’aime pas beaucoup parler de moi. Je suis bien comme ça, dans l’ombre avec les objets. Mais je suis contente de pouvoir remercier l’équipe du Musée pour la confiance qu’elle m’accorde.
Et ton avenir au Musée, Carole, comment le vois-tu?
J’espère terminer l’inventaire de la collection éducative. À ce jour, 900 objets sur près de 1 300 ont été inventoriés et photographiés. Si j’arrive à compléter l’inventaire informatisé, j’en serai extrêmement fière. Aussi j’aimerais consacrer du temps pour la recherche et la documentation des objets les plus importants de la collection, sans oublier de former une relève!
Elle soupire, me sourit et me dit, pour conclure l’entrevue :
On a fait le tour, je pense? Je vais me remettre au travail!