Rencontre avec Manasie Akpaliapik au collège Montmorency, octobre 2024 © Musée McCord Stewart

Ilisarniq : étudier ma culture

Jessie Fortier-Ningiuruvik, ancienne élève du programme Nunavik Sivunitsavut, explique l’importance de la sécurisation culturelle en milieu collégial.

Jessie Fortier-Ningiuruvik

10 février 2025

Dans le cadre de l’exposition Manasie Akpaliapik. Univers inuit, le Musée McCord Stewart, en collaboration avec le corps professoral du programme Tremplin DEC pour les Nunavimmiut du collège Montmorency, a mis sur pied un projet spécial de sécurisation culturelle. Axé sur l’intégration de contenu culturel inuit au cursus scolaire, le projet a, entre autres, permis la rencontre entre les élèves du programme et l’artiste Manasie Akpaliapik. La salle Isumavik, « lieu où on réfléchit », est un espace commun de répit et d’études que le collège met à la disposition des Nunavimmiut. C’est ici que Manasie a donné rendez-vous aux élèves.

Jessie Fortier-Ningiuruvik est une ancienne élève du Nunavik Sivunitsavut, un programme tremplin similaire à celui offert par le collège Montmorency. C’est au collège John Abbott que Jessie a suivi la formation collégiale d’un an. Elle travaille actuellement à l’Institut culturel Avataq. Le Musée McCord Stewart l’a invitée à participer aux activités offertes en lien avec le projet. Elle nous explique l’importance de ces initiatives.

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Le programme Nunavik Sivunitsavut m’a aidée à me réconcilier avec ma culture et ma langue. Pouvoir étudier avec d’autres élèves du Nunavik m’a fait sentir un peu moins seule à Montréal, étant donné que je retourne dans le Nord seulement une à trois fois par année. Le programme permet aux jeunes Inuit de mieux se situer non seulement dans la ville, mais aussi dans leur histoire. D’où viennent-ils? Comment peuvent-ils utiliser leur histoire pour s’épanouir et approfondir leurs connaissances dans le monde moderne?

De l’art visuel aux enjeux sociopolitiques, Nunavik Sivunitsavut rejoint des intérêts divers et suscite des discussions sérieuses, tout comme des discussions qui le sont moins. De plus, le programme aide les élèves à naviguer dans le monde du cégep grâce au soutien de Kativik Ilisarniliriniq, la commission scolaire de la région du Nunavik qui les accompagne tout au long de leurs études. Nunavik Sivunitsavut est une preuve de la résilience de notre peuple. Nous sommes fiers de notre identité. Nous n’avons pas fini de démontrer notre persévérance, c’est certain.

Takuminartuq

Le sculpteur Manasie Akpaliapik est une autre preuve de résilience. C’est un artiste avec un bagage de vie captivant et un homme rempli de sagesse. Manasie ne manque pas de rappeler l’importance de poursuivre nos efforts dans le but d’accéder à un avenir équitable et de ne pas lâcher prise.

Encore aujourd’hui, il voyage pour raconter des histoires et faire des performances de danse au tambour. Il est inspirant. Je suis heureuse d’avoir eu la chance de voir ses œuvres et de discuter avec lui lors de son passage à Montréal. J’ai pu lui poser quelques questions sur son travail et entendre son point de vue. Voici ce qu’il a répondu.

Rencontre avec Manasie Akpaliapik au collège Montmorency, octobre 2024 © Musée McCord Stewart

Pouvoir présenter vos œuvres d’art, sachant qu’elles sont une grande source d’auto-guérison et chargées d’histoire – qu’est-ce que ça vous fait de pouvoir raconter une partie de votre vécu?

Je fais de l’art depuis quarante-cinq ans. Je considère ça comme un travail, en quelque sorte. En grandissant, j’ai vu mon grand-père sculpter tous les jours, créer dans la pierre. Je l’admirais, et j’ai décidé que c’était ce que je voulais faire moi aussi. Je compte sur les légendes inuit, en essayant de montrer comment on faisait les choses à l’époque. Je trouve mes matériaux dans le Nord, en allant sur le territoire. Je fais de l’art tous les jours. J’essaie de m’assurer que tout est correct, au plus haut niveau possible, jusqu’à ce que ce soit terminé.

Pour chaque pièce d’art que vous terminez, quel est votre cheminement de pensée?

Ça me prend habituellement une semaine pour terminer une pièce. Après ça, je suis heureux qu’elle soit partie. Je ne pensais jamais qu’elles reviendraient, bien que je sois content de les voir réunies. Quand je commence, j’ignore ce qui va se passer jusqu’à ce que ce soit fini. J’essaie de faire des choses différentes et meilleures chaque fois. Je me surprends moi-même! [rires]

Votre art a voyagé dans plusieurs galeries et musées, diffusant le savoir d’une communauté à l’autre. Que diriez-vous à la version plus jeune de vous-même?

Ce que je fais, c’est montrer aux jeunes générations, leur enseigner. J’essaie d’ouvrir la voie avec différents matériaux. J’essaie aussi d’enseigner l’aspect sécurité : masque, gants, savoir s’organiser avec les outils. Les jeunes d’aujourd’hui, ils ont de meilleurs outils et Internet. Avant, on n’avait pas ça, alors je pense qu’ils vont apprendre rapidement et d’une bonne façon. Si je pouvais m’adresser à celui que j’étais à l’époque je lui dirais : « Aie pas peur d’essayer. Ne te déprécie pas. Fais-le, c’est tout. »

Rencontre avec Manasie Akpaliapik au collège Montmorency, octobre 2024 © Musée McCord Stewart

Nakurmiik

Ce que j’ai appris de tout mon trajet jusqu’à maintenant, c’est qu’il ne faut pas avoir peur de qui l’on est, et surtout ne pas avoir honte d’être fier. Chacun de nous possède un potentiel. C’est peut-être difficile de le voir, mais il est là. Il ne faut pas lâcher prise, comme nous le montre si bien Manasie. N’ayez pas peur de briller et de pousser vos idées à fond. S’il y en a une qui ne fonctionne pas, la prochaine sera la bonne, j’en suis certaine!

À propos de l'autrice

Jessie Fortier-Ningiuruvik

Jessie Fortier-Ningiuruvik

Jessie Fortier-Ningiuruvik est une Inuk native du village de Kuujjuaq au Nunavik. Fière de sa culture, elle cherche à en découvrir davantage sur le territoire et son histoire. Jessie travaille à l’Institut culturel Avataq, au Secrétariat des arts, depuis 2023. Son emploi lui permet de rencontrer des artistes talentueux dans un milieu inspirant.
Jessie Fortier-Ningiuruvik est une Inuk native du village de Kuujjuaq au Nunavik. Fière de sa culture, elle cherche à en découvrir davantage sur le territoire et son histoire. Jessie travaille à l’Institut culturel Avataq, au Secrétariat des arts, depuis 2023. Son emploi lui permet de rencontrer des artistes talentueux dans un milieu inspirant.