Le déménagement du Musée Stewart

C’est en février 2021 que le Musée McCord annonce la fermeture définitive du Musée Stewart. L’intégration des deux institutions, prévue sur un horizon de quelques années dans le cadre du projet de nouveau musée, est aussitôt devancée à la fin de l’été 2021. À peine la nouvelle publiée, une équipe est mobilisée pour réaliser cet ambitieux chantier. J’en suis le chargé de projet.

Quand on se fait confier la tâche de déménager un musée, on se doute peu de ce qui nous attend, par manque de comparable. On pense d’emblée à un défi logistique, à une planification rigoureuse, aux écueils possibles, à une course contre la montre… Je ne vous cacherai pas qu’à première vue, cela résume bien le projet. Mais à ma grande surprise, ce qui a émergé de cette entreprise, c’est une leçon d’humanité, où la résilience, la coopération et le dévouement d’une poignée d’individus ont permis la relocalisation en toute sécurité des collections du Musée Stewart.

Le déménagement du Musée Stewart s’est échelonné du mois de mars au mois d’août 2021. Six mois. C’est le temps que nous avions pour évaluer, organiser, classer, emballer et déplacer tout ce qui se trouvait dans les bâtiments de l’institution.

Un déménagement de musée sous-entend le déplacement de mobilier d’exposition, de matériel informatique, d’ameublement de bureaux, d’archives administratives, de bibliothèques de référence, d’équipement de sécurité et d’ateliers, de matériaux… Mais surtout, et c’est le plus grand défi d’un tel projet, un déménagement de musée signifie le déplacement des collections. Voilà donc quel était notre principal mandat, celui de transporter en toute sécurité l’intégralité des vastes collections du Musée Stewart vers les réserves du Musée McCord, afin d’assurer leur préservation, leur accès et leur mise en valeur.

Consulter notre site Web pour voir une sélection d’objets de la collection
Stewart

Le travail a commencé par le démantèlement de l’exposition permanente, laquelle contenait 223 objets, dont certaines pièces phares des collections. L’opération était délicate.

Il a fallu tout un génie technique pour emballer certains objets extrêmement fragiles ou de très grandes dimensions, dont un planétaire à engrenages, une maquette de bateau du 18e siècle et une armure maximilienne du début du 16e siècle.

Une fois les objets de l’exposition permanente emballés et le mobilier d’exposition retiré, les salles ont été aménagées en réserve temporaire, afin de permettre le travail de plus grandes équipes et de faciliter le transit des objets conservés dans les réserves du Stewart. L’espace était un enjeu important, puisque nous étions toujours en pleine pandémie!

La machine s’est alors mise en marche! Les objets, d’abord récolés et photographiés, étaient ensuite déplacés dans la réserve temporaire puis emballés soigneusement en vue de leur transport vers les réserves du Musée McCord.

Le déménagement d’une collection muséale exige un soin individualisé pour chacun des objets, et le temps de traitement est parfois imprévisible.
En savoir plus sur le processus en lisant cet article.

Cette opération, qui s’est échelonnée sur quatre mois, a vu défiler des milliers d’objets, tous de natures, d’origines et de formes différentes, de la collection de globes terrestres des 17^e et 18^e siècles aux archives coloniales, de la bibliothèque de livres rares aux épées et aux sabres militaires de l’arsenal. Il est difficile d’imaginer, sans avoir visité les réserves du Musée Stewart, l’ampleur de la tâche retombant sur les épaules des équipes de préparation. L’efficacité du travail de collaboration fut au cœur du succès de ce marathon d’identification, d’emballage et de transport.

Au même moment, nous devions sceller le sort de ce qui ne faisait pas partie des collections muséales, le tout dans un souci de développement durable, en limitant au maximum les quantités de matières jetées ou recyclées. Des organismes tels qu’Écoscéno et les Anciennes troupes militaires de Montréal nous ont permis de redistribuer une grande partie de la collection éducative, du mobilier d’exposition et des différents éléments de décors. Tout le reste a été cédé à des organismes communautaires et à des particuliers.

Même Marcel, le chat errant établi dans la cour du Musée Stewart depuis quelques années, s’est trouvé une famille aimante.

C’est donc à la fin du mois d’août 2021, après le déplacement des 14 000 objets des collections du Musée Stewart entreposées à l’île Sainte-Hélène et la distribution de tout le matériel trouvé sur les lieux, que les clés des bâtiments ont été remises à la Société du parc Jean-Drapeau, marquant ainsi la fermeture officielle de l’institution.

Des dizaines de personnes ont été mobilisées pour la réussite de ce titanesque projet de déménagement, mais c’est le travail irréprochable de quelques individus qui a été au cœur du succès. Je pense entre autres à l’équipe de la Gestion des collections du Musée McCord, qui a assuré l’inventaire et le suivi des milliers d’objets contenus dans les collections en faisant preuve d’une rigueur implacable, aux techniciens de la firme muséologique Espace Montage qui ont pris en charge l’emballage et la manutention des objets des collections du Musée et, surtout, à l’équipe de techniciens du Stewart, réels gardiens des secrets de l’institution, qui malgré l’abolition imminente de leurs postes, ont su nous guider et nous épauler jusqu’au dernier jour du projet.

La fermeture d’une institution muséale n’est jamais un événement heureux, d’autant plus lorsque celle-ci participe à la mise en valeur d’un bâtiment patrimonial important, comme celui du complexe militaire de l’île Sainte-Hélène. Malgré ces circonstances difficiles, le déménagement nous a permis de redécouvrir, dans ses moindres détails, la richesse des collections du Musée Stewart, dont la préservation et le rayonnement sont désormais assurés.