Le travail de photographe au McCord : donner aux collections un visage
Découvrez les nombreuses facettes du métier de photographe au Musée McCord.
8 mars 2021
Un matin frais dans les Alpes italiennes. Le sommet des montagnes est illuminé d’or tandis que la brume s’efface dans les vallées et disparaît dans le fleuve Adige.
Au même instant, Marilyn Aitken, photographe du Musée McCord, pénètre dans l’atelier de l’imprimerie Trento. Dès que la porte ouvre, on entend le raffut des presses. Le tirage a déjà commencé. Un employé présente à Marilyn les premières impressions de la couverture du grand livre mettant à l’honneur le travail du photographe William Notman.
Tout de suite je me suis dit : « Ce n’est pas assez contrasté, c’est trop doux. » Je m’imaginais revenir à Montréal et déposer le livre avec cette couverture sur le bureau de Suzanne, la présidente et chef de la direction, et je savais qu’elle ne serait pas satisfaite. Il faut que ce soit un livre qu’on remarque dans la vitrine d’une librairie, ce doit être « eye-catching ». J’ai dit : « It’s not good, stop the press.
Marilyn me raconte en riant cette histoire, tenant dans ses mains le magnifique ouvrage dont elle vient de me raconter la genèse. Elle travaille comme photographe au Musée McCord depuis plus de 30 ans. Et il y a quatre ans, la photographe Laura Dumitriu s’est jointe à l’équipe à temps partiel. Ensemble elles façonnent l’image du Musée et numérisent ses collections.
C’est un privilège exceptionnel pour un photographe, admet Marilyn, de pouvoir suivre la conception d’un livre du début à la fin. Mais ce privilège vient avec une charge de travail supplémentaire.
Laura le résume bien : On ne s’en rend pas compte, mais il y a un grand besoin de photos au Musée et ces photos ne se font pas toutes seules. Au cœur de leur travail se trouve la collection, qu’il faut documenter visuellement. À cela s’ajoute la prise de photos pour les publications, les communications, les expositions, et bien plus.
Puisque Marilyn est au service du Musée depuis une trentaine d’années, c’est elle qui est derrière le style photographique documentaire du Musée, que l’on reconnaît facilement. Ses milliers de clichés donnent un visage à la collection, depuis la création de notre base de données en ligne, au cours des années 1990. Mon style est classique, simple et formel. Mais de plus en plus pour les expositions, on cherche quelque chose de différent. Pour l’exposition consacrée à la marque de vêtements Parachute qui ouvrira en novembre, par exemple, on veut un style complètement différent, plus industriel. Pour ça je vais bien apprécier le regard de Laura.
Bien plus que de simples collègues, les deux femmes s’entraident et apprennent l’une de l’autre. La transmission du savoir et le partage de leurs points de vue jouent un grand rôle dans leur travail. D’un côté, il y a une femme pleine d’expérience et ayant développé une expertise, et de l’autre une jeune photographe ambitieuse qui apporte son propre regard. Marilyn m’a dit : J’ai travaillé pendant 10 ans au Musée des beaux-arts de Montréal, plus de 30 ans ici et j’ai enseigné pendant huit ans au collège Dawson. Mon travail au Musée me passionne, mais un jour je vais vouloir arrêter et alors il faudra quelqu’un pour me remplacer.
J’ai parlé aux deux photographes à plusieurs jours d’intervalle, mais j’ai senti dans les paroles et l’énergie de l’une comme l’autre un respect mutuel et un amour aussi fort pour leur profession, mais aussi pour le Musée McCord.
Depuis que je suis au Musée, auprès de Marilyn, j’apprends beaucoup, me confie Laura en souriant. C’est très différent du travail commercial que je continue de faire à la pige. J’aime côtoyer les objets de la collection. J’aime particulièrement la collection de photos du 19e siècle. La retouche de photos anciennes, la numérisation des négatifs sur verre, ce n’est pas enseigné dans les cours de photos.
Le titre de photographe en dit bien peu, finalement, sur ce qu’implique le travail de photographe au Musée. Il faut savoir saisir le vivant et l’inerte, savoir sublimer en image, retoucher, quand ce n’est pas traverser un océan pour veiller à faire imprimer le plus justement possible l’œuvre des photographes du passé. Le McCord a bien de la chance de pouvoir compter sur le travail et le talent de Marilyn et de Laura pour continuer à rehausser ses prochaines expositions et publications.