Montréal en mutation : capter la transformation d’une ville par la photographie
Découvrez comment le Musée soutient la communauté photographique locale en documentant le visage changeant de la ville.
Montréal en mutation est une série de commandes de photographie documentaire ayant pour but de saisir les transformations des divers quartiers de Montréal. Ses deux grands objectifs sont de promouvoir la production de photographie contemporaine et d’enrichir activement la collection Photographie du Musée.
L'IDÉE DERRIÈRE LA SÉRIE
L’idée à l’origine de Montréal en mutation est née en 2018 d’une conviction partagée que le Musée devait jouer un rôle plus actif, autant pour soutenir la communauté photographique locale que pour bâtir sa propre collection de photographies.
Le projet était également motivé par un souci de préservation. Il était clair pour nous – « nous » étant Hélène Samson (alors conservatrice, Photographie), Suzanne Sauvage (alors présidente et chef de la direction) et moi-même (alors conservatrice adjointe, Photographie) – que certains secteurs de la ville changeaient si rapidement que les traces de leurs histoires allaient bientôt disparaître à jamais.
Les photographes de Montréal ont souvent reconnu l’urgence de documenter le changement social et infrastructurel de la ville. Au début des années 1970, des photographes ont fait front commun avec des organismes citoyens pour dénoncer certains des projets de restructuration les plus radicaux de la ville. David Miller et Clara Gutsche, par exemple, ont utilisé la photographie pour aider à stopper l’effacement total du quartier Milton Parc. Et lorsqu’une nouvelle rampe d’accès à l’autoroute Ville-Marie fut construite à travers le Village Shaughnessy, Brian Merrett était là pour en photographier l’inévitable progrès – et les bâtiments historiques qui ont été détruits.
Des œuvres tirées de ces deux projets, devenues des témoins essentiels des histoires photographique, architecturale et sociale de Montréal, sont conservées dans la collection Photographie du Musée. Mais qu’en est-il des changements d’aujourd’hui? Faudrait-il attendre des photographes qu’ils investissent du temps et des ressources afin de documenter pour la postérité la transformation continuelle de la ville?
Pour nous, il était évident que des projets documentaires visant à immortaliser certains des aspects de la mémoire urbaine de Montréal méritent un encouragement institutionnel.
GRIFFINTOWN À TRAVERS L'OBJECTIF DE ROBERT WALKER
Le Musée a attribué la première mission de la série au Montréalais Robert Walker, un artiste ayant une approche distinctement vibrante et acerbe de la photographie de rue. En 2018-2019, Walker a parcouru les rues de Griffintown, armé de son appareil photo, pour faire état de la transformation de ce secteur, alors l’objet d’un vaste projet de redéveloppement urbain.
Dominé par de l’équipement de construction aux couleurs vives et les affiches alléchantes des promoteurs immobiliers, le quartier s’est révélé parfaitement compatible avec le style créatif de Walker. À travers son objectif incisif, Griffintown devient une scène sur laquelle passé et présent s’affrontent dans un jeu dynamique de couleurs, de lignes et de motifs.
À partir de ce corpus d’œuvres, nous avons choisi cinquante épreuves de petit format qui occupent maintenant une place de choix dans la collection Photographie du Musée. En 2019-2020, le Musée présentait le projet Griffintown de Walker dans le cadre d’une exposition qui a officiellement donné le coup d’envoi à la série Montréal en mutation. Cette exposition a également mis les œuvres en contexte en offrant un survol historique du quartier, avec des images datant des 19e et 20e siècles dressant un portrait plus large de l’évolution de Griffintown.
L’immense valeur des images de Walker est à la fois esthétique et historique : elles dépeignent une réalité qui, à peine trois ans plus tard, n’existe plus. Prises durant une période où le quartier se transformait en une Mecque de luxueuses tours de copropriétés, elles représentent de brefs instants dans un processus de devenir.
UN PORTRAIT INTIME D'HOCHELAGA-MAISONNEUVE PAR JOANNIE LAFRENIÈRE
En 2020, c’est la photographe et cinéaste Joannie Lafrenière qui a été choisie pour la deuxième édition de la série.
Le choix d’Hochelaga-Maisonneuve s’est fait naturellement : Lafrenière voue un amour profond pour le quartier et sa population depuis qu’elle s’y est installée il y a près de vingt ans. Composé de paysages urbains et de portraits, son projet est ancré dans ses promenades quotidiennes dans les rues et les ruelles d’Hochelaga, mais aussi dans les liens étroits qu’elle a tissés au fil des ans avec les personnes qui y vivent.
Lafrenière documente un quartier qui depuis les dernières décennies est sur la voie progressive de l’embourgeoisement. Quoique moins radicaux et frénétiques qu’à Griffintown, les changements ont néanmoins eu une grande incidence sur la vie des résident·e·s. Les images du quotidien intimes et colorées de Lafrenière offrent le regard privilégié d’une habituée sur le tissu social du quartier et sur ce qui est en train de se perdre inexorablement.
Du 31 mars au 10 septembre 2023, le Musée consacrera une exposition au projet de Lafrenière sur Hochelaga. Comme il sied à sa double vocation de photographe et de cinéaste, l’exposition comprendra des œuvres photographiques et vidéo, présentées comme une promenade enveloppante, multisensorielle et non linéaire autour du quartier.
L'AVENIR DE MONTRÉAL EN MUTATION
La créativité et la valeur documentaire remarquables des projets nés jusqu’à présent de la série Montréal en mutation sont une preuve éloquente qu’encourager les photographes contemporain·e·s à saisir la transformation continuelle de la ville est une entreprise qui porte ses fruits.
Malheureusement, la ville a subi de nombreux changements qui n’ont pas été documentés. Avec cette série, nous avons l’assurance que des photographies du Montréal d’aujourd’hui sont produites et préservées pour l’avenir.