William Notman studio, Thomas Neill Cream, Montréal (détail), 1874. I-99949 © Musée McCord Stewart

Les secrets troublants de la collection Photographie : au-delà des apparences

Découvrez les intentions cachées derrière le regard sombre du docteur Thomas Neill Cream.

Alexis Curodeau-Codère, stagiaire au Musée McCord Stewart, La Factry, École des sciences de la créativité

20 octobre 2020

Par une journée pluvieuse de confinement automnal, j’explorais avec fascination les photographies de la collection du Musée McCord Stewart à la recherche d’inspiration pour un costume d’Halloween quand je suis tombé sur le portrait du tristement célèbre docteur Thomas Neill Cream. Je l’observe un moment. Cet homme élégant coiffé d’un impressionnant haut-de-forme ne se distingue apparemment en rien des autres hommes en redingote que l’on peut voir dans la collection du Musée. Un bourgeois montréalais typique, croirait-on à tort. Car cet homme, aussi surnommé « l’empoisonneur de Lambeth », qui a assassiné des femmes sur deux continents, a longtemps fait partie du groupe restreint de gens soupçonnés d’avoir été Jack l’Éventreur.

William Notman studio, Thomas Neill Cream, Montréal, 1874. I-99949 © Musée McCord Stewart

Issu d’une famille d’immigrants écossais, Cream grandit au Québec et étudie la médecine à l’Université McGill, à Montréal. Après avoir commis son premier assassinat à London, en Ontario, il empoisonne à mort plusieurs femmes prostituées, sous le couvert d’une clinique d’avortement clandestine dans un quartier défavorisé de Chicago. En 1881, il est reconnu coupable du meurtre du mari de sa maîtresse et croupit dix ans en prison. À peine libéré, il s’installe en Angleterre pour y ouvrir un nouveau cabinet de médecine et y reprendre sa pratique, l’assassinat par empoisonnement et, accessoirement, la médecine. Un an et au moins quatre meurtres plus tard, il est reconnu coupable et sera pendu à la prison de Newgate à Londres le 3 juin 1892.

Étudier la photo de Thomas Neill Cream, en essayant de lire quelque chose dans son regard, donne rapidement le frisson. Cette photographie, prise lorsqu’il étudiait la médecine à Montréal, précède ses premiers assassinats. On ne peut s’empêcher de se demander s’il savait déjà quelle abominable dépendance sommeillait en lui. Lorsque notre regard se pose ensuite sur un autre portrait photographique de la collection, on ressent le même malaise qu’en regardant la photo du docteur Cream.

En effet, si le visage du docteur Cream ne laisse rien deviner de sa passion sordide, comment savoir si un autre modèle, à l’air aussi sévère, ne cachait pas un secret aussi terrible, sinon pire? Peut-être que quelque part dans la collection de photos, parée d’une large cravate ou d’une robe à crinoline, il y a une personne au regard sépia dissimulant d’effroyables pulsions? Ces questions resteront sans réponse, car au-delà de ces vieilles photographies, il reste peu de traces de la vie de la plupart de ces gens, qui ont emporté leurs plus grands secrets avec eux dans la tombe.

Même si ces photographies m’ont donné bien des idées de costumes, l’histoire lugubre du docteur Cream m’a définitivement enlevé l’envie de me costumer en dandy montréalais. J’ai choisi un costume plus sympathique, une citrouille.

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Pour en connaître davantage sur le docteur Thomas Neill Cream écouter ce balado.

À propos de l'auteur

Alexis Curodeau-Codère, stagiaire au Musée McCord Stewart, La Factry, École des sciences de la créativité

Alexis Curodeau-Codère, stagiaire au Musée McCord Stewart, La Factry, École des sciences de la créativité

Après avoir étudié en arts visuels et en philosophie, Alexis Curodeau-Codère s’emploie, partout où il peut, à étudier, explorer et illustrer, à coup de portraits et d’images, la réalité humaine et la joliesse du monde. Il s’intéresse particulièrement au potentiel transformatif du récit par son rôle social et politique, mais aussi comme outil de vulgarisation et d’apprentissage.
Après avoir étudié en arts visuels et en philosophie, Alexis Curodeau-Codère s’emploie, partout où il peut, à étudier, explorer et illustrer, à coup de portraits et d’images, la réalité humaine et la joliesse du monde. Il s’intéresse particulièrement au potentiel transformatif du récit par son rôle social et politique, mais aussi comme outil de vulgarisation et d’apprentissage.