Willie Eckstein
À l’occasion de la Journée internationale du jazz, le Musée McCord présente les archives du pianiste et compositeur Willie Eckstein.
28 avril 2017
La passion du jazz à Montréal ne date pas d’hier. Depuis près d’un siècle, la métropole a vu naître ou évoluer plusieurs musiciens de jazz chevronnés dont les noms résonnent désormais ici comme ailleurs : Oscar Peterson, Oliver Jones, Charles Biddle, Paul Bley, Claude Ranger… À cette liste prestigieuse, il faut ajouter le nom de Willie Eckstein, pianiste, auteur et compositeur prolifique ayant, dès le début du 20e siècle, marqué la scène musicale internationale. Si sa renommée semble aujourd’hui quelque peu oubliée – contrairement à celle de son homonyme, le musicien Billy Eckstine –, l’artiste n’en demeure pas moins un des grands précurseurs du jazz à Montréal, ainsi qu’une figure importante des styles « novelty piano » et « ragtime ».
Willie (William) Eckstein naît à Pointe-Saint-Charles en 1888. Très doué pour le piano, il donne des concerts devant public dès l’âge de quatre ans et reçoit une formation musicale classique. Entre l’âge de 12 et 18 ans, il travaille comme pianiste de variétés sur Broadway. Eckstein infiltre l’univers du vaudeville américain et entreprend diverses tournées aux États-Unis, au Canada et en Europe. Il côtoie alors des artistes comme Houdini, Nora Bayes et Jack Norworth, en plus d’être vu par les plus grands noms de la musique, dont Ignace Paderewski, Serge Rachmaninoff, Josef Casimir Hofmann et Vladimir de Pachmann.
Après un séjour d’un an en Europe pour parfaire sa formation musicale, il revient à Montréal en 1906 où il amorce sa carrière d’accompagnateur de films muets, d’abord au Lyric Hall puis au Strand Theatre. Celui que l’on surnomme « Mr. Fingers » attire les foules et accompagne des films tels que The Birth of a Nation, Intolerance, et d’autres films de Charlie Chaplin, pour lesquels il crée une atmosphère toute particulière. Il commence à la même époque à enregistrer ses propres compositions, dont sa première œuvre, Some Rag. La prohibition, qui entre en vigueur aux États-Unis à compter de 1920, incite plusieurs artistes new-yorkais à venir s’installer à Montréal, ce qui contribue au foisonnement musical de la ville et à l’apparition d’une multitude de cabarets et de salles de spectacles, comme l’Outremont, le Belmont, le Rivoli, le Corona et le Granada. Alors que le cinéma muet perd en popularité, Eckstein quitte le Strand Theatre en 1930 et travaille comme musicien dans plusieurs de ces salles. Dans les années 1940, il choisit de s’installer de façon plus permanente au Château Sainte-Rose, à Laval.
Au fil de sa carrière, l’auteur-compositeur multiplie les collaborations avec, notamment, Harry Thomas, Beatrice Lillie (Béatrice Little), Vera Guilaroff et Robert Langlois. Il fait aussi partie de différentes formations musicales, comme l’Eckstein’s Jazz Orchestra, un des premiers groupes de jazz de Montréal dirigé par son frère Jack Eckstein, le William Eckstein Trio, ainsi que le Piano Ramblers. Willie Eckstein offre aussi plusieurs prestations à la radio et à la télévision.
À l’approche de ses 70 ans, l’artiste souffre d’arthrite et sa santé commence tranquillement à dépérir. Il cesse de se produire en public et décède en 1963, à l’âge de 74 ans.
Les archives de Willie Eckstein, conservées au Musée McCord, nous font découvrir un être marginal, rempli d’humour et doté d’une forte personnalité. Elles nous permettent également de retracer les activités professionnelles du pianiste, ses relations de travail, ses engagements et ses réalisations, mais aussi sa vie personnelle dans toute sa spécificité. On y trouve entre autres de la correspondance, des ententes et des contrats, des affiches, des pamphlets, des cartes professionnelles, des paroles de chansons, des partitions musicales et des ébauches, de nombreuses coupures de presse, des photographies et quatre spicilèges extrêmement riches en renseignements qui témoignent de la popularité et de la renommée précoce du musicien.
Une partie de ces documents sera numérisée et mise en ligne prochainement sur le site Web du Musée McCord.